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UNE FUMÉE DE LARMES

Les dernières heures d’une jeune femme avant son suicide. Des heures heureuses et banales parce que rien ne justifie un tel acte. Des souvenirs toujours présents et des propos désabusés parce que tout peut être source de justification.

Rien n’est plus enivrant que l’attrait de l’abîme. Rien n’est plus puissant que  la lutte que nous menons chaque jour contre nous mêmes.  Louise a tout, elle veut plus, elle veut vivre, avoir le sentiment d’exister. Mais qu’est-ce que la vie sinon la pleine conscience de notre condition de mortels ? C’est parce que tout peut s’arrêter du jour au lendemain, parce que tout peut disparaître que la vie est si importante. Éphémère.

Je voudrais montrer la beauté de la vie, de tous les petits instants magnifiques qui la composent : faire la cuisine, se promener dans la rue, prendre un verre avec des amis… Et en même temps, j’ai poursuivi ici une exploration sur les limites et les interdits de nos vies. Louise vit au présent, mais Louise est aussi passé et futur. Ses souvenirs construisent sa lecture du quotidien et ses fantasmes orientent ses relations sociales. Jusqu’où sommes nous maîtres de nous mêmes ? de nos pensées ? de nos désirs ? Quelles sont les frontières que nous nous imposons et pourquoi ? Le film s’achève sur l’image de Louise irrésistiblement attirée par le vide, elle secoue la nappe par la fenêtre et en se penchant, elle est absorbée par le désir d’aller plus loin, de voir l’effet que ça fait d’oser franchir la limite et pour la première fois, elle réalise son fantasme et s’envole. Son corps s’enflamme comme une cigarette pour rappeler la brièveté de la vie. À peine allumée, déjà consumée.

Le titre: Une fumée de larmes fait référence à toutes ces larmes retenues et évaporées comme une fumée pour ne pas avouer notre faiblesse, notre constante insatisfaction.  Les larmes sont un aveu. On avoue sa faiblesse, sa faillibilité, son humanité.  Les larmes nous libèrent de nos vies de mensonges.

 

D'un point de vue géométrique,  le film pourra être comparé à deux droites parallèles, qui évoluent ensemble et de façon symétrique, mais ne se rejoignent jamais. Le récit suit lui-même ce modèle: les éléments de la narration y sont disposés de manière à reproduire cette forme. L'alternance de la vie et des souvenirs fonctionne en miroir. C'est dans l'aujourd'hui qu' elle retrouve l'hier et c'est à travers le filtre de ses souvenirs qu' elle perçoit son quotidien.  Pour autant les deux droites ne se rejoindront jamais puisque le passé en tant que tel a déjà été vécu et ne peut pas être modifié.  Le présent quand à lui, est le moment du choix, l'instant de tous les possibles. Il en sera de même,  pour le style du film: la prise de vue reproduira un effet photographique, avec des plans longs, mais uncadrage serré et précis, comme un album familial à travers lequel on découvre une histoire

La majeure partie du film sera tournée en noir et blanc et traitée avec un grain pellicule important typé de l'esthétique 60-70, pour magnifier le présent, lui rendre son aspect graphique, faire attention aux détails, à l’espace et rompre avec les souvenirs qui ont été redessinés, recolorés par la mémoire. Ils sont à la fois plus vifs (parce que tournés en couleur avec l'emploi d'une esthétique desaturée et contrastée) et plus vagues (parce qu’une chose précise a plus capté notre attention au détriment de ce qui l’entourait, cette chose sera en gros plan).

Ces parties en couleur diffèrent aussi par leur ambiance sonore. Afin de recréer l’ambiance feutrée du ventre de nos mères, j’ai inséré une voix off multiple et indéfinissable, comme tous les sons que pourrait entendre un fœtus depuis sa caverne utérine, des voix plus ou moins lointaines qui forment un flou incompréhensible à l’oreille non initiée, mais constituent un réalité un véritable poème qui influence Louise tout au long de son histoire.

Pour les scènes de souvenir,  j'utiliserai un son d'époque (programme tv ou radio des années 80) afin de marquer les temporalités. Pour les scènes de fantasme,  c'est en revanche un son subjectif qui sera employé, reproduisant ce qui focalise l'attention du protagoniste.  Le reste du film retransmettra un son simple et direct.

 

Si le sujet du film a une tonalité tragique, le jeu des comédiennes en revanche devra exprimer la gaieté et la joie de vivre. J’ai connu un mélancolique qui traversait la vie comme un danseur, dupant tout le monde. Moi y compris. C’est pourquoi, je choisirai des comédiennes rayonnantes et vives. Ce qui me permettra en outre de renforcer le caractère brutal et contrasté de nos vies modernes.

 

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